Le chercheur

Xavier de Langlais, dès son plus jeune âge, a eu le souci de la chose bien faite. Ce qui l'a conduit très rapidement à se pencher sur les techniques de son métier. Pratiquement dès sa sortie des Beaux Arts, il consacrera une partie de son temps à la recherche. Amoureux de son art, il était scandalisé de voir ses confrères n'attacher de l'importance qu'à l'esthétique et à se désintéresser totalement de la technique. Les deux étant indissociables à ses yeux.

En effet, il estimait qu'un artiste a le devoir d'assurer la pérennité de son oeuvre. Il partait du principe qu'il ne reste rien d'une civilisation en dehors de l'art. Les grands de ce monde passent, mais l'art subsiste. Il se pencha donc sur ce problème avec une assiduité et une persévérance à toute épreuve, ses expériences se déroulèrent sur plus de vingt ans.

Il n'était pas chimiste de formation, mais très intuitif, il se lança aussi dans la recherche d'émaux ayant pour support des plaques de ciment extrêmement lourdes. Le procédé est à base de plomb et d'acides. Cela marche, il réalisera grâce à ce procédé plusieurs chemins de croix, dont celui de Plounevez-Quintin. Malheureusement les produits utilisés étaient dangereux, mon père contracta un ulcère à l'estomac et dût arrêter là cette expérience prometteuse.

Il revint rapidement à des préoccupations plus traditionnelles et moins dangereuses, la peinture à l'huile et à l'essence de térébenthine dont je sens encore les effluves qui envahissaient son atelier et imprégnaient ses vêtements! Il consacra à ces recherches un nombre d'heure incalculable.

Dans son atelier, dans son débarras, à toutes les fenêtres de l'appartement, il y avait des essais de peinture, petits parallélogrammes annotés, numérotés, mis à la lumière du soleil ou soumis aux rayons destructeurs de la lune.

En outre il entretenait une correspondance suivie avec tous les fabricants de peinture de son époque, tel que Lefranc & Bourgeois traquant les anomalies, les changements dans la composition des peintures, rien ne lui échappait. C'est ainsi qu'il devint l'un des conseillers techniques de la société Lefranc. Pour eux il fabriqua, notamment, un médium encore commercialisé de nos jours. Le medium à l'oeuf XDL.

Toutes ses observations étant scrupuleusement notées, il entreprit de mettre de l'ordre dans ses notes, et c'est ainsi qu'il publia en 1959, chez Flamarion, son livre sur "la Technique de la peinture à l'huile, de Van Eyck à nos jours". Cet ouvrage est encore très utilisé aujourd'hui par les peintres, les professeurs des "Beaux-Arts" et leurs élèves. Pour beaucoup, c'est un véritable livre de chevet. Ce livre est encore réédité régulièrement, c'est dire tout son intérêt.

Il essaya la céramique. Il acheta un four et comme il ne laissait rien au hasard, se procura toute la documentation existante en la matière. Il commença, pour se faire la main, par de petites décorations qui nous valurent quelques charmants nus féminins. Mis en confiance par ces premiers résultats, il réalisa le très remarquable chemin de croix de l'église de Ploemeur.

Celui-ci a été mis en valeur de façon exemplaire, suite à la restauration de l'église. Le chemin de croix est aujourd'hui inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques.

Après la guerre, ses grandes décorations murales sont réalisées à fresque, par exemple l'église d'Etel , procédé qu'il ne faut pas confondre avec la peinture à l'huile traditionnelle utilisant des supports secs dont les décorations de la chapelle Saint Joseph de Lannion sont un bon exemple. La technique de la fresque (de l'italien fresco, frais) utilise un support fraîchement enduit à base de chaux, de telle sorte que les couleurs en poudre puissent s'imprégner dans la masse et leur assurer ainsi une plus grande longévité. Son ami, le peintre Mériel Bussy, s 'était essayé avant lui à ce procédé ancien, ils confronteront leurs résultats et partageront utilement leurs expériences dans cette technique qui n'était plus guère utilisée.

Il avait également fabriqué une palette "XL", il estimait que celles que l'on trouvait dans le commerce n'étaient pas pratiques. Il en dessina une autre plus équilibrée que la maison Lefranc commercialisa pendant quelques années. Malheureusement, il y eut rapidement des contrefaçons et la fabrication fut vite abandonnée.

Gaëtan de Langlais     

 

Retour à "L'écrivain en langue française et bretonne"