Les Bucoliques de Virgile
Traduits en vers français
par

Amédée de FRANCHEVILLE
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EGLOGUE PREMIERE

TITYRE et MELIBEE

MELIBE


Heureux Tityre ! assis à l'ombre de ce hêtre,
Tu médites des airs sur ta flûte champêtre :
Pour nous, infortunés, loin de ces bords heureux,
Loin de ce doux pays qu' habitaient nos aîeux,
Nous fuyons, et toi seul paisible sous l'ombrage,
Du nom d' Amarillis tu remplis le bocage
.


TITYRE

O Mélibée, un Dieu nous a fait ce repos ;
Oui, c'est un Dieu pour nous ; de mes tendres agneaux
Toujours à ses autels j'offrirai les prémices.
Si tu vois dans les prés s'égarer mes génisses,
Si mon libre pipeau redit mes airs chéris,
Berger, ce Dieu puissant lui seul me l'a permis
.


MELIBEE

Quand partout en nos champs l'effroi nous environne,
Je ne suis point jaloux, mais le bonheur m'étonne.
Moi-même languissant, accablé de chagrin,
Je traîne mon troupeau dans un pays lointain.
Cette chèvre après moi que j'ai peine à conduire,
Tout à l'heure avortant, a laissé, cher Tityre,
Parmi ces coudriers, sur des rochers brûlants,
L'espoir de mon troupeau, deux jumeaux expirants.
Que de fois la corneille, au creux d'un arbre antique,
Et la foudre frappant le chêne prophétique.
Insensé que j'étais, m'ont prédit ce malheur !
Mais apprends-nous le nom de ce Dieu bienfaiteur
.