|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
2
|
|
|
|
|
II - Suite |
|
|
|
|
|
|
Mais à peine furent-ils devant elle que, sans les détailler d'avantage, - toute préoccupée qu'elle était de se cacher jusqu'aux lèvres dans la cendre qui lui servait de couche, - elle leur réclamait déjà sa tunique.
-Sauf votre grâce ? interrogèrent-ils, en s'inclinant tous les trois ensemble.
-Ne sauriez-vous pas où sont mes vêtements ? reprit-elle à voix plus haute, pensant qu'ils avaient mal entendu sa demande.
-Sauf votre grâce ?
Après la troisième tentative et, partant, le troisième échec, persuadée qu'elle ne pourrait jamais en tirer autre chose que ces « Sauf votre grâce » qui n'avançaient nullement ses affaires, elle leur dit enfin :
-Allez, s'il vous plait Messieurs, me chercher Sa Proéminence.. l'Ilsousclochien qui vient de sortir d'ici » et voyant qu'ils ne bougeaient pas davantage : » et qui je crois, ajouta-t-elle, répond au numéro matricule Cent-Mille Sept-Cent-Sept ».
-Cent-Mille Sept-Cent-Sept ! Cent-Mille Sept-Cent-Sept enchaînèrent aussitôt les trois serviteurs microcéphales, comme si elle leur eût parlé le seul langage qu'ils pussent comprendre.
Déjà ils pivotaient sur leurs talons.
-Attendez, attendez ! s'écria-t-elle alors terrifiée, en se remettant sur son séant sans plus songer qu'elle était nue, je crois que je me suis trompé de numéro !
Mais les trois camériers avaient disparu dans le trou du plancher cristallin.
La trappe ne devait pas tarder à s'ouvrir de nouveau sous la poussée de leurs doigts agiles : Le Super-Aérocéphale Propulseur-de-Roue Numéro Sept les suivait en personne. La pâleur de la mort s'étendait cette fois sur sa face en bille, et son attitude avait perdu tout caractère d'aménité.
-Vous avez commis une erreur fille sauvage, une inconcevable, une monstrueuse erreur, dit-il, aucun de nos Propulseur-de-Roue ne répondant au numéro Cent-Mille Sept-Cent-Sept.
« Vous pouvez vous estimer heureuse que les blasphèmes numériques de vos camériers n'aient pas été entendus par d'autres oreilles que les miennes car nous n'avons pas pour accoutumée dans cette île de badiner avec les emmêleurs de chiffres.
-Je vous le jure bien, répondit-elle, je n'ai pas voulu vous faire la plus légère offense. J'ai seulement oublié...
-Mon numéro-matricule originel, et rien de plus ! Si vous n'étiez pas étrangère à l'Ile c'est au Grand-Asile Démentiel qu'une pareille réponse vous conduirait.
-Au Grand-Asile ?
-Sauf votre grâce ! c'est là que nous traînons ceux qui souillent et embrouillent les numéros. Pour les criminels de haut vol, les écornifleurs et les concussionnaires de nombres, c'est dans le Trou-de Geôle central que nous les précipitons, comme il se doit.
-S'il vous plait, supplia-t-elle alors en tremblant, répétez-moi encore une fois votre numéro-matricule afin que je ne l'oublie plus.
-Sa Proéminence le Super-Aérocéphale Propulseur-de Roue Numéro Sept, fit-il rogue. Mais vous-même, fille sauvage, à quel numéro-matricule originel correspondez-vous ?
Il attendait sa réponse, l'index sur le front comme pour y enfoncer, sitôt échappé de la bouche de la jeune fille, ce nouveau numéro-matricule non entendu encore.
-Mon numéro-matricule ?
-Votre numéro-matricule originel ?
-Mais je n'ai pas de numéro-matricule d'origine ! dit-elle prête à fondre en larmes.
Aucun numéro-matricule originel ?
Le monstre en écarquillait ses petits yeux sans expression ; les bras lui en tombaient : aucun numéro-matricule !
-Liliana est mon prénom usuel, et Lianaïg mon surnom.
-Ce n'est pas ce que je vous ai demandé.
|
|